Mourir comme Bessie Smith

Publié le par la freniere

 

Il n’y a plus de place à l’hôpital. Il n’y a plus de place nulle part et les prisons débordent. Il n’y a plus de place dans ma tête. Il n’y a plus de places assises. Le docteur est parti. L’infirmière est malade. Je vais mourir sur le trottoir, tout au bout de mon sang, tout au bout de la ville. Il n’y a plus de place pour les pauvres. Les asiles sont pleins. Il n’y a plus de place au cimetière. Je vais mourir coincé dans une queue de métro, au milieu d’une foule, dans une salle d’attente. Je veux mourir debout appuyé sur un arbre, l’oreille collée au tronc pour écouter la sève. Il n’y a plus de forêts. Il n’y a plus d’oiseaux. Je dois me contenter d’un poteau de téléphone. Je vais mourir à terre, la tête dans la poussière. Il n’y a plus de papier. La vie déroule son rouleau jusqu’au trou du milieu. Il n’y a plus de temps. Il n’y a plus d’espace. Il n’y a plus d’espoir. Il n’y a plus rien que la douleur, la solitude, la mort. Je perds la tête comme une momie défait ses bandelettes une à une. Je perds mon temps. Je perds mon sang. Ma montre s’est brisée. J’ai les côtes fêlées. Il n’y a plus de place et je n’ai pas d’argent. Je vais mourir dehors, tout au bout de mon sang, dans un parking d’hôpital qui ne soigne que les riches.

 


Publié dans Prose

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