Pour saluer Bruno Roy
en cette présence
déduite par l’histoire
aux limites de l’Amérique
l’inépuisable origine des traces
au cœur de ma langue
jadis en écho aux cents clochers
elle avait la foi de mes ancêtres
je persiste à l’entendre
entre ses accents d’urgence
sous la coupole de nos efforts
son histoire fragmentée de luttes
se révolte encore contre les amnésies
− ces langueurs de l’oubli −
alors que découpée sur l’hiver
elle réinvente la chaleur des voix
dans la bouche accueillante du monde
Nous avons déjoué les dialectes
dans l’étau des dominations perverses
secret d’une vaste enfance enneigée
sur le chemin du poème tremblotant
pour guérir de notre langue humiliée
qu’étions-nous à l’origine
nommant ce qui ne s’efface plus
dans notre langue inventée
par nos enfants, depuis leurs ancêtres
sinon le commencement d’un pays
dévasté par ses doutes
nous sommes cette persévérance
dans l’originalité de nos chants
élevé au-dessus des forêts
dans l’effusion des ombres
en parcelles de lumière
pour cette langue de vie
jamais ne manquerai de courage
ses mots, je le sais, sont foudroyants
quand ils servent à convaincre
cette langue venue du vent
des prières et des poèmes
et du parler indien si sage
j’emprunte encore les pas de la lutte
à même les rythmes du pop et du rap
je me dois à cette langue
venue de l’universel
je me dois à ces mots entrés en moi
comme un silence sauvé de l’abîme
pour cette langue, oui
jamais ne manquerai d’amour
pour cette langue, oui
jamais il ne faut manquer d’amour
Bruno Roy